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Accompagner écouter soulager… et vivre!
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Accompagner écouter soulager… et vivre!
  • Bénévole d'accompagnement en soins palliatifs, je vous propose de partager quelques moments passés à la rencontre de l'autre, auprès des plus vulnérables. A la frontière de la mort mais pleinement dans la vie.
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1 octobre 2014

Qui accompagne l'autre?

La réunion de transmission a exposé le cas de cet homme trop jeune, atteint d’une tumeur au cerveau et qui met les soignants en difficulté.

Son âge, son hémiplégie, ses problèmes d’élocution, son apparente timidité les mettent mal à l’aise.

En milieu de d’après midi, je choisis de rencontrer cet homme.  Il est assis devant la fenêtre, le visage tourné vers le jardin, la table devant ses genoux. D’un sourire et d’un geste de la main il m’invite à m’asseoir. Très vite, il mène la relation. Il se raconte, cherche ses mots, me mettant face à ses difficultés. Je tente de l’aider, de trouver les mots pour lui. Parfois je tombe juste, parfois tellement à coté...que ça le fait rire. Et ce rire, spontané et léger, me permet d’accepter mes erreurs, d’oser me tromper, d’oser rire avec lui. Au bout de quelques minutes, nous butons tous les deux sur un mot. Il cherche un château. Une banlieue de Paris. Une prépa. Je passe en revue toutes les prépa que je connais, toutes les banlieues, tous les châteaux… de Versailles à Fontainebleau, nous arpentons les routes d’Ile de France, je me lance, Saint Cloud, Vaux le Vicomte, Chantilly, Chambourcy…  Il sourit, l’air moins frustré que moi devant cet échec… Je suis prête à renoncer ; finalement ce n’est pas si important. Mais il semble que pour lui, cela le soit. Il prend son téléphone portable pour me l’écrire. Mue par un soudain éclair de génie, je lui propose du papier et un crayon… à lui, ce jeune homme hémiplégique qui attrape difficilement son téléphone de la main gauche… Il me regarde et d’un air désarmant, avec une incroyable simplicité il me précise « je n’y arriverai pas, le téléphone c’est mieux». Aucune animosité dans sa voix, aucune irritation, pas de trace de souffrance apparente, ni de  moquerie devant cette bénévole qui manque tant de finesse et d’observation dans sa proposition. Avant même que je n’ai le temps de me détester pour cette phrase si maladroite, il me regarde avec cette infinie douceur qu’ont les gens qui comprennent et qui pardonnent ; je peux lui dire ma gène et m’excuser, il peut l’entendre et sourire. Il me montre fièrement son téléphone …  « Sceaux »… elle était à Sceaux sa prépa. Et sans que je comprenne vraiment pourquoi, pouvoir me faire comprendre ce lieu revêt une grande importance. Peut être attaché à de bons souvenirs pour lui, ses premières années parisiennes, des amitiés, une reconnaissance ?  Il me parle de son brillant parcours universitaire, avec une grande humilité, son œil s’animant juste pour me parler de la fierté de ses grands mères, au fin fond d’un petit village de Bretagne « les hommes, eux, ils étaient déjà partis ».

Nous continuons cette rencontre, les mots s’égrainent lentement, parfois difficilement, mais toujours dans une sérénité et une acceptation désarmantes. Il me questionne aussi, m’offre un espace parole, presque de confidence, dans une écoute attentive et bienveillante,  et pendant un moment je ne sais plus qui accompagne l’autre.

On frappe à la porte… c’est l’heure de l’orthophoniste, qui entre énergiquement dans la chambre… notre rencontre n’aura pas de conclusion ou alors très brève ; à peine le temps de dire au revoir, de dire merci… et exceptionnellement, et contrairement à tous les acquis de mes formations, très loin de l’ici et maintenant de la rencontre, je fais intérieurement  le vœux de le retrouver la semaine prochaine. 

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