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Accompagner écouter soulager… et vivre!
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  • Bénévole d'accompagnement en soins palliatifs, je vous propose de partager quelques moments passés à la rencontre de l'autre, auprès des plus vulnérables. A la frontière de la mort mais pleinement dans la vie.
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28 novembre 2014

Comment connaître l'heure?

En arrivant dans le service, je trouve une ambiance particulière. Des visages plus tendus, un silence feutré. Les soignants sont dans le poste de soin, ils discutent entre eux; une infirmière vient à ma rencontre, me préviens que Madame J. vient de décéder et qu’ils attendent sa fille qui n’est pas au courant.

Je connais la fille pour l’avoir accompagnée plusieurs semaines de suite auprès de sa mère. Nous savons tous qu’elle aurait voulu être là. 

A son arrivée, avec son bébé dans sa poussette, le docteur sort du poste de soin et l’accueille. Avec douceur, elle passe son bras autour de ses  épaules et regarde avec elle le bébé dans la poussette; je n’entends pas ce qui se dit, mais je vois le corps de la jeune femme se vouter. Le médecin l’accompagne jusqu’à la chambre de sa mère et entre avec elle. Je reste sur le banc, disponible. Quelques minutes après le médecin quitte la chambre, et vient s’asseoir près de moi. Elle m’exprime la tristesse du service de n’avoir pas pu prévenir la jeune femme à temps. « On voyait bien que l’état de sa mère avait évolué ; on avait prévu d’appeler sa fille après les transmissions. Et puis voilà ; elle est partie à deux heures dix, tout doucement sans prévenir ».

Je sens une frustration chez le médecin… comment connaître l’heure?

Le médecin retourne faire les transmissions, la vie du service continue, et après avoir laissé un temps de solitude à la jeune femme dans la chambre de sa mère, je vais à sa rencontre. Je la trouve assise en larmes à côté du lit. Elle m’accueille d’un geste et d’un sourire.  Elle a besoin de parler. De pleurer. Je lui tends des mouchoirs, et l’écoute. Que faire d’autre. Ensemble nous regardons le visage serein de sa mère partie pour un ailleurs – « je ne peux pas réaliser qu’elle est morte. On dirait qu’elle dort et qu’elle va se réveiller. Elle est partie toute seule... »- . Ensemble nous regardons sa petite fille de deux mois allongée dans un lit pliant sous la fenêtre ; raccourci saisissant d’un parcours de vie, entre cette jeune grand-mère immobile et ce presque nourrisson qui s’agite.

Grand écart difficile pour la fille - la jeune mère - qui doit se rendre disponible pour son bébé,  et aurait tant besoin de prendre soin d’elle. Prendre le temps du deuil, et trouver le temps de découvrir et d’éveiller  sa fille… Elle m’exprime toute cette difficulté, ses craintes de perturber sa petite fille par sa tristesse – « elle n’a pas l’air de réaliser, mais c’est une éponge » ;

Elle la regarde avec amour, de ce regard enveloppant et triste qu’elle vient de poser sur sa mère… « Et vous savez comment ça se passe après ? Combien de temps on peut rester dans la chambre ?... regardez j’ai sorti ce haut pour l’habiller, vous croyez que ça va ? Il est gai, elle aimait bien la couleur… »

Toutes ces phrases qui mêlent le chagrin, le spirituel, le pratique, le souvenir, l’émotion, le questionnement, les peurs , le futur… toutes sortent en désordre, dans le silence, dans les larmes, et parfois dans les rires. De mouchoirs en verres d’eau.

On frappe à la porte. Son mari entre. Je les laisse partager leur chagrin dans l’intimité de leur couple.

 

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Commentaires
C
Il y a des gens qui meurent et le seul mot de "mort" est devenu violent- même en dehors de tout accident -il y a aussi des gens qui "partent" doucement, sans faire de bruit. Dire elle est "morte "ou elle est "partie" n'a pas la même signification. Elle est morte, elle n'est plus vivante c'est un constat. Violent, certes, mais un constat. Quand on dit :" Elle est partie " il y a dans cette courte phrase comme un mouvement volontaire, c'est comme si c'était elle qui avait décidé de s'en aller...naturellement, sans aucune aide extérieure en l'occurrence! On dit souvent en Soins Palliatifs que le malade en fin de vie choisit le moment de son départ. Ultime liberté qui ne doit rien à la technique ou à la chimie (n'en déplaise à l'ADMD) mais tout à la conscience...Accepter ce mystère....incompréhensible comme tout mystère!<br /> <br /> Cabane et Castel
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M
Merci de mettre ces mots, d'ouvrir ce sujet... Zéro commentaires le plus souvent, mais je crois que dans le coeur des autres, comme dans le mien, les connections sont lentes. "le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit"...Veuillez continuer, Merci
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