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Accompagner écouter soulager… et vivre!
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  • Bénévole d'accompagnement en soins palliatifs, je vous propose de partager quelques moments passés à la rencontre de l'autre, auprès des plus vulnérables. A la frontière de la mort mais pleinement dans la vie.
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15 janvier 2017

Parenthèse

 

Monsieur S est allongé comme un prince sur son lit, dans un pyjama impeccable, sans aucun pli, comme s’il venait de l'enfiler. Pourtant nous sommes au milieu de l’après-midi ; il m'accueille d'un sourire las en émergeant de sa sieste.

- Je sens que je m'enfonce. C'est ça… Je m'enfonce, chaque heure un peu plus.

Je m'assois près de lui après lui avoir demandé si un peu de présence lui ferait du bien.

Il répète tout bas :

- Je m’enfonce. C’est terrible.

Je le sens tellement fatigué, j'ai besoin de lui préciser :

- Nous ne sommes pas obligés de parler.

Il acquiesce d'un mouvement de tête.

- Je sais... mais quand même. Vous faites l’effort de venir me voir, je peux bien moi aussi vous accueillir correctement…

Je lui précise que ce n’est pas un effort pour moi mais il n’a pas l’air de me croire.

- Vous avez les mains froides. Il fait froid dehors ? Racontez-moi... De là où je suis je ne vois que le ciel.

En position parfaitement horizontale, sans même un oreiller à cause de ses douleurs au dos, Monsieur S ne peut profiter de la vue sur le jardin.

Je me déplace et regarde par la fenêtre. L'hiver est arrivé, les arbres sont nus, un tapis de feuilles atténue les bruits, la lumière est pale. Je tente de lui décrire ce que je vois, ce que j'ai perçu du temps dehors, de l'air froid et de l'humidité qui s'installe ; le ciel blanc, la fumée qui sort des cheminés, les gens qui passent, emmitouflés, les quelques personnes dehors, soignants ou familles qui fument une cigarette ou soufflent sur leur café, la buée qui se dépose sur la fenêtre. Je parle doucement, lentement ; il ferme les yeux, et semble se détendre.

- Ha oui, l'hiver... j'ai toujours bien aimé l'hiver.

Il baisse la voix. Et murmure quelques mots faiblement. J'entends feu, neige… Je ne comprends pas tout mais ne le fais pas répéter;  il ne s’adresse pas vraiment à moi.

Nous restons tous les deux en silence. Au bout de quelques minutes, Monsieur S rouvre les yeux et me regarde:

- Bon, je pense que je vais y aller maintenant.

Cette phrase me fait sourire. Gentille façon de me demander de sortir. A mon départ, il garde un temps ma main dans la sienne :

- Merci pour votre visite. Je vais pouvoir dormir. Bien au chaud.

Commentaires
N
Tout en délicatesse et tellement vrai. <br /> <br /> Merci des ces témoignages
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D
Apporter dans une chambre d'hopital tout l'univers et ses couleurs, ses saisons, ses odeurs ...<br /> <br /> Vous voilà un peu magicienne !
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M
Très joli, très juste, très touchant : "Je pense que je vais y aller maintenant"
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