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Accompagner écouter soulager… et vivre!
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  • Bénévole d'accompagnement en soins palliatifs, je vous propose de partager quelques moments passés à la rencontre de l'autre, auprès des plus vulnérables. A la frontière de la mort mais pleinement dans la vie.
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29 septembre 2018

So british...

Doit comme un I, Monsieur S sort de sa chambre appuyé sur une canne, en boitant légèrement. Je le vois de loin se diriger vers la sortie et détaille sa tenue pour le moins saugrenue. Un pantalon parfaitement repassé posé sur son bras replié devant lui, une grande chemise à carreaux qui descend jusqu'aux genoux et de longues chaussettes de laine blanche. Malgré ses cuisses à l’air, il est chicissime ! Dans un autre temps, un autre lieu, il aurait été un lord anglais se rendant à son club pour déguster un blend vingt ans d'âge, et deviser sur le sens de la vie ; entre hommes bien sûr. Ici, il est un peu dissonant. Son chic, son accent anglais, sa démarche et sa confusion en font un personnage atypique que je ne résiste pas à aller rencontrer.
Après une poignée de main délicate, je l’écoute exposer la situation.  
- Je vous quitte, je suis invité à diner chez de très chers amis » m’annonce-t-il avec calme dans un anglais pointu.
Monsieur S. a un humour décoiffant, à la hauteur de sa confusion.
Malgré mon étonnement et quelques tentatives pour lui proposer de diner dans sa chambre - proposition beaucoup moins séduisante - rien ne l'arrête, il doit aller diner chez ses amis puisqu'il est invité...
- Voyez-vous madame, je ne peux pas les laisser, ils m'attendent. Viendriez-vous avec moi ?

Voyant monsieur S déterminé, une des infirmières parfaitement bilingue , vient me rejoindre et ensemble nous tentons de le dissuader et de lui faire regagner sa chambre ; il est drôle, nous écoute, s'excuse grandement de ne pouvoir nous suivre. Après de longues minutes de négociation, il consent pourtant à me confier sa canne pour prendre mon bras, et son pantalon bien plié sur l'autre, il marche tel un prince anglais vers sa chambre. Devant la porte, il s'efface élégamment, récupérant sa canne pour me laisser passer. Il est merveilleux. 
Il s'installe devant sa table, et ensemble nous devisons de façon un peu décousue. Son projet de diner en ville est maintenant abandonné, et d'humeur joyeuse il veut plutôt aller au cinéma. Je cherche sans succès à connaître ses goûts mais il est déjà ailleurs. Un regard par la fenêtre, lui permet de conclure fort heureusement que c'est le meilleur cinéma qui existe. Il commente chaque passage; les femmes sont vieilles me confie t'il, l’oeil pétillant. Pourtant, dehors beaucoup me semblent bien plus jeunes que lui..Assis tous les deux face à la fenêtre nous commentons ensemble la vie qui passe comme deux vieux amis. Il regarde chaque tenue, chaque démarche, me les montre, s'exclame dès qu'il voit un enfant. Il y en a peu... alors quand une tête blonde passe... c'est la fête. Avec son humour et son anglais,  il me fait voyager pendant l’après-midi dans les films de Woody Allen.

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Commentaires
M
Il faut votre flegme so british pour trouver à ce délire original du charme au point d'entrer dedans ! Quelle plume pour partager la lucide présence, la sollicitude insubmersible, la disponibilité modeste et la solide expérience ! Merci......
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