Au réveil
Le dimanche matin, la vie est un peu au ralenti.
Aujourd’hui, il fait beau, le service est clair et calme ; beaucoup de portes sont ouvertes, laissant passer la lumière du soleil jusque dans le couloir.
Les soignants, moins nombreux, semblent pourtant avoir plus de temps. Dans la salle de soin, les croissants circulent, et des rires joyeux remplissent l’espace.
Quelques personnes sont déjà là, certains ont dormi sur place, d’autres viennent d’arriver. Les visages des accompagnants son marqués, laissant deviner les traces d’une nuit agitée.
Dans le couloir, l’odeur du café domine. Les petits déjeuners ont déjà été donnés mais certaines chambres sont encore plongées dans l’obscurité. Chacun à son rythme se prépare à vivre une nouvelle journée.
Dans la chambre que je choisis, un vieil homme est couché sur le coté, un peu recroquevillé sur lui-même. Il m’accueille en esquissant un douloureux sourire. Je le sens inconfortable. A maintes reprises il tente de s’installer autrement, de se redresser, de se retourner… Mais par manque de forces revient toujours dans la même position.
J’hésite à l’aider, mais il me semble si douloureux que j’ai peur de lui faire mal. Les soins du matin n’ont pas encore été faits; je lui propose d’attendre avec lui les soignants qui sauront l’aider à trouver la meilleure position.
Il acquiesce d’un mouvement de tête.
Je rapproche un tabouret de son lit et m’assois à son chevet. Il me prend la main, la serre, puis bouge doucement son pouce sur le dessus de ma main, comme la caresse d’un parent voulant calmer son enfant. A moins que ce ne soit le contraire. Je le laisse faire. Il ferme les yeux. De sa main libre, il installe délicatement sa couverture sur lui, comme s’il se préparait pour la nuit, son visage se détend; nous n’avons prononcé que peu de mots. Je le regarde s’apaiser, j’entends son souffle devenir régulier, son pouce ralentit son va-et-vient sur ma main, puis s’immobilise… il semble dormir.
Après plusieurs longues minutes paisibles, il me semble que ma présence ne lui apportera plus rien. Tout doucement je retire ma main… instantanément, l’homme ouvre les yeux…
- qu’est ce que vous faites ?
- je vais vous dire au revoir et vous laisser vous reposer ;
- pourquoi ?
- vous êtes en train de vous endormir tranquillement…
L’homme relève la tête, parfaitement réveillé.
- je ne dors pas du tout. Je ferme seulement les yeux.
- vous voulez que je reste encore?
- oui.
Et avec une certaine autorité, il reprend ma main, repose sa tête et ferme les yeux.
Comme une évidence, sentir ma présence le rassure, caresser ma main l’apaise, lui permet d’oublier son inconfort en attendant les soins.
En fait, J’ai tout mon temps.