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Accompagner écouter soulager… et vivre!
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  • Bénévole d'accompagnement en soins palliatifs, je vous propose de partager quelques moments passés à la rencontre de l'autre, auprès des plus vulnérables. A la frontière de la mort mais pleinement dans la vie.
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19 décembre 2021

Le temps qu'il lui faudra

Madame F. est dans une immense colère. Trop jeune, une maladie invasive qui évolue trop vite. Elle n'accepte pas, et sa famille autour assiste impuissante et sans mot à cette révolte. Sa demande, c'est une sédation profonde et continue jusqu'à ce que le décès advienne. Cette demande se renouvelle, et les équipes soignantes échangent en réunion. Les critères sont réunis, le pronostic vital est bien engagé à court terme, la douleur est psychique et psychologique, réfractaire aux traitements, tout a été tenté... Un médecin extérieur au service vient confronter son regard. Nous y sommes, la décision est prise, collectivement, mais dans la douleur pour les soignants, comme souvent. Cette douleur vient de la colère de la malade. Faire taire la plainte, est-ce vraiment la solution ? Les quelques échanges de ce matin avec la malade ne sont pas parfaitement clairs, mais la demande reste et le protocole est mis en route. Dans le service, les pas sont plus lents, les regards sombres. Régulièrement les soignants viennent vérifier que la malade est bien endormie et ne montre aucun signe de souffrance, maintiennent une vigilance constante sur les antalgiques.

Auprès de la malade maintenant endormie est assis son mari, en colère aussi. Mais lui c'est parce que ça ne va pas assez vite. Il n'en peut plus de rester là, à regarder sa femme, qui respire encore mais ne se réveillera plus. Un jour passe, puis deux… puis trois. Il est comme un lion en cage, malgré le relai de ses deux filles qui lui proposent de rentrer un peu chez lui. il ne veut pas la quitter, il veut qu'elle le quitte. Mais voila, cela n'arrive pas. L'infirmière est prise à partie violemment, il menace de mettre un oreiller sur la tête de sa femme pour l'étouffer, accuse l'équipe de la "prolonger". Tous les traitements sont arrêtés en dehors des antalgiques et de la sédation. Mais il ne peut pas l'entendre et agresse tous ceux qu’il croise :

- combien de temps ça va encore durer !

L'infirmière qui reçoit cette violence reste calme. Explique précisément ce qu'ils font pour sa femme, et ce qu'ils ne font plus. Elle rajoute :

- ça durera le temps qu'il faudra à votre femme.

 A ses coté ses filles font le chemin inverse. Elles passent l'après-midi assises dans la chambre de leur mère, sereines, parlent de sa vie, de leurs souvenirs, lui parlent aussi avec douceur. Chaque jour, elles remercient les équipes de ce temps qu'elles peuvent prendre toutes les deux auprès de leur mère, tous sont témoins de cette acceptation qui se dessine lentement grâce à ce temps de préparation. Elles s'excusent de l'attitude de leur père, tente de l'aider, mais il ne peut simplement pas vivre ça. Ni être là. Ni ne pas y être. Je croise ces deux jeunes femmes dans le couloir, elles entrent et sortent, viennent prendre un café, puis repartent.  Nous échangeons peu de mots. Des sourires, des regards, des poignées de main. Ma façon de dire ma solidarité, leur façon de remercier. Avec le père je n'y arrive pas. Il fuit mon regard et ma présence ; je n'insiste pas. Je sais qu'il a longuement parlé avec l'un d'entre nous ce matin et ça me suffit. Il sait que je suis là pour lui. C'est suffisant aujourd'hui.

Leur mère et épouse était jeune, en colère. Malgré sa demande de sédation, elle ne voulait pas lâcher. Ses filles ont attendu.  Il aura fallu cinq jours pour qu'elle accepte de les quitter. L'infirmière me dira plus tard :

-  c'est toujours une grande difficulté pour nous ce temps de la sédation. C’était violent pour le père, c'est vrai, mais quand je vois le chemin fait par ses filles et tout ce qu'elles nous ont dit après, l’importance d’avoir eu ce temps simplement près d’elle, d’attendre qu’elle décide de partir, je reste convaincue que l’euthanasie n’a pas la place dans le soin.

Commentaires
S
Merci🙏☀️
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