Un petit chocolat ?
- Ha vous tombez à pic ! Je viens de faire tomber une boite de chocolat par terre.
C'est bon d'être accueilli par ces mots.
Avec ses yeux d'un bleu transparent et son sourire chaleureux madame K. nous propose de gouter ses chocolats.
- Je n'aime pas beaucoup ça. C'est quoi comme marque ? des belges je crois. Je les trouve un peu gras personnellement. Mais prenez-en donc ! je ne les mangerai pas.
Décidemment l’accueil dans cette chambre est particulièrement chaleureux !
- Vous savez c'est moi qui ai demandé à venir ici. Je connais cet endroit. Mais j'ai eu une chance ! Vous vous rendez compte ? J'ai eu une place. Et vous avez vu ma chambre ? Remarquez, je n'en connais pas d'autres, mais regardez par la fenêtre. Vous connaissez surement d'autres chambres vous ... elles sont toutes aussi belles ?
J'ai à peine le temps de reconnaitre que la vue de sa chambre est très agréable qu'elle fait un mouvement de joie :
- J'en étais sure ! j'ai eu la meilleure. Quelle chance quand même. Et puis ce temps ! Pour un hiver, il est très ensoleillé, et j'ai du soleil qui rentre un tout petit peu.
Nous devisons gaiement, sur son séjour ici et toutes les attentions dont elle est témoin. Madame K. a décidé de regarder le verre à moitié plein.
Sa cousine vient nous rejoindre et je laisse ma place en leur proposant quelque chose à boire. Madame K. Me désigne une tasse en porcelaine posée sur son étagère.
- J'ai mes petites manies ; un citron chaud. Avec beaucoup de sucre.
Je reviens avec de l'eau bouillante et obéis aux injonctions polies. Très fines les rondelles de citron, quatre pas plus - voilà c'est parfait ; et du sucre, quatre ! Merveilleux. Je vais attendre un peu que ça refroidisse.
Sa cousine nous raccompagne jusqu'à la porte. Elle ne veut rien.
- C'est agréable quand elle est comme ça. La semaine dernière elle était tellement triste, c'était dur de venir la voir. Vous savez, j'ai perdu ma mère ici il y a deux ans. Pour moi, m'assoir à côté d'elle …
Ses yeux s'embuent. Elle se tait. Auprès de madame K., elle rejoue quelque chose de douloureux mais peut-être d'essentiel. Je sens que le passage de sa mère ici n'a pas été serein, et ne lui a pas permis un au revoir apaisant. Elle prend sur elle, me sourit.
- C'était difficile, long, ma mère était quelqu'un de particulier ... alors voir ma cousine comme aujourd'hui, c'est tellement agréable ; c’est curieux mais je peux dire que ça me fait du bien.
Quelques heures plus tard je repasse dans la chambre à la demande des soignants.
Madame K. a un problème de téléphone. Celui de l'hôpital etait trop compliqué, elle n'arrivait pas à s'en servir et sa cousine lui a apporté le sien direct de chez elle. Mais bien sûr rien ne marche... et madame K est contrariée, et presque déboussolée. Ce problème de technique génère un stress qui la fragilise ; elle perd un peu la tête ne comprend pas ce qui se passe, cherche plusieurs fois son téléphone, puis son carnet « sans lequel elle ne peut vivre », ne le reconnait pas... tourne les pages sans savoir vraiment pourquoi, me regarde désemparée, perdue. Je tente de la rassurer, vérifie tous les branchements, paramètres, piles connexion... et c'est parti. La tonalité est là, le volume de la sonnerie au maximum. Je teste en l'appelant avec mon portable… et ça marche. Nous sommes toutes les deux l'une en face de l'autre, à nous parler à travers un téléphone ; madame K. n'est pas complétement convaincue - ça marche mais vous êtes tout près - . Elle décide d'appeler un de ses neveux.
- J'essaye en province on ne sait jamais.
Elle compose de tête un numéro... je suis un peu inquiète. Je l'entends prononcer un « qu'est-ce que tu fais là » qui me laisse deviner qu'elle s'est trompée de numéro.
- Je te rappellerai plus tard, disons dans une heure.
L'interlocuteur précise qu'il va sortir ce soir... madame K. raccroche.
- Ce n'était pas mon neveu, je me suis trompée. J'ai appelé quelqu'un que je ne voulais pas avoir au téléphone. Bon tant pis c'est fait. Dites-moi, vous avez une famille ? vous leur direz que vous êtes la championne de l'électronique. Ils le savent au moins ? dites-leur, parce que vous m'avez sauvée !
Et la conversation reprend, fluide, madame K. a retrouvé toutes ses facultés et sa vivacité. Le stress est passé.